1. Tyrannie, résistance et réécriture du réel

Selon Gérard Haddad (Lumière des Astres Éteints), le vrai tournant à l’origine de l’émergence de la perversion collective réside dans le traumatisme généralisé causé par l’Holocauste. Myriam Illouz relève que Haddad perçoit un avant / après dans l’évolution de la subjectivité :

«… ce moment précisément où la psychopathologie de la perversion devient une éclosion généralisée… »

Cela marque la transition entre une névrose individuelle classique et une perversion de masse, souvent politisée ou idéologisée.

Joachim Fest, dans Les derniers jours d’Hitler, montre comment le nihilisme hitlérien, fondé sur la pulsion de destruction, s’enracine dès les premiers discours du Führer jusqu’à sa fin en bunker : une volonté d’annihilation portée au nom d’une cause supérieure.

2. Le profil du dictateur pervers

Des chercheurs ont identifié qu’Adolf Hitler présentait plusieurs traits typiques du pervers narcissique. Ce type de personnalité combine une illusion de toute-puissance et une haine systématique de la différence. Le discours messianique devient le masque de son centralisme mental destructeur.

Hermann Rauschning rapporte des propos attribués à Hitler :

« Moi, je libère l’homme des malpropres intoxications dues à la prétendue conscience morale… La providence m’a désigné comme grand libérateur de l’humanité. »

Ces déclarations illustrent parfaitement le paradoxe pervers : un libérateur dont le projet est l’écrasement de la liberté.

3. L’idéologie totalitaire comme emprise collective

Paul‑Claude Racamier note :

« À plus grande échelle, ce sont des peuples entiers qui souffrent de la folie narcissique d’un leader… détournement de la vérité… étouffement des initiatives personnelles… conséquences pernicieuses pour le bien-être de tous. »

Ainsi, le fonctionnement pervers ne se limite pas à l’individu, mais peut se projeter dans des phénomènes collectifs, où la subjectivité est supprimée au profit d’un discours unique imposé.

4. Instrumentalisation de la haine et déshumanisation

Marie‑Claude Defores décrit la haine comme arme déstructurante :

« La haine est une force délibérément déshumanisante, utilisée comme outil principal de la perversion. »

Simultanément, d’autres expert·e·s rappellent que les pervers narcissiques agissent souvent comme des sadiques émotionnels, tirant plaisir à manipuler l’autre comme objet, qui est rendu dépendant, inutile, transparent.

Christine Calonne souligne :

« La victime perd sa parole propre ; elle devient instrument du pervers ou du gourou. »

Cette logique s’inscrit dans un espace idéologique totalitaire, où le réel est réécrit au profit du narratif central et les dissidences sont éradiquées.

Conclusion

Cette deuxième partie montre comment le pouvoir perverti peut s’étendre au-delà du narcissisme individuel pour devenir un projet idéologique de destruction :

  • De l’expulsion du moi à l’absorption des consciences,

  • De la captation psychique intime au monde dévoué à une illusion messianique.

La ligne rouge reste la même : déformer la réalité, annihiler l’altérité, imposer une cohésion toxique. La mécanique narcissique est à l’œuvre dans tous les systèmes où la subjectivité est niée et la vérité instrumentalisée.

Le Messie du chaos

Tandis que le pervers narcissique ordinaire aspire lentement l’identité de ses victimes individuelles (voir article sur le trou noir ), à plus grande échelle, certains pervers narcissiques s’érigent en sauveurs, en guides charismatiques destinés à libérer les masses de l’ordre établi. Ce messianisme illusoire contient sa propre structure destructrice : il repose sur un vide intérieur, une haine du réel, un nihilisme de pouvoir. Sa rhétorique de libération masque souvent une logique totale de destruction, où l’autre devient ennemi à écraser ou disciple à façonner.

Tous les pervers narcissiques ne sont pas l’équivalent d’Hitler mais ils ont le même diagnostic qu’Hitler !

Selon le psychologue John Gartner